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“ "Je suis un compositeur passionné d'ethnologie et de linguistique qui se demande comment il est possible que sur les 6000 langues parlées sur la terre, l'humanité crée par ses actes une langue morte au rythme d'une tous les 15 jours ?!

J’ai voulu amener les langues là où elles ne vont jamais, là où elles perdent leurs sens, pour les faire renaître sous une autre forme au lieu de disparaître sous nos yeux.

Les termes linguistiques scientifiques me dépassent, et, plutôt que d’expliquer leurs particularités, je les ai mis en musique en cherchant chaque fois à me laisser guider par leurs attractions phoniques. Mon approche est celle d’un musicien sensible à tous les types de sonorités, du bruit de la pluie sur un toit de zinc aux 840 langues de Papouasie-Nouvelle-Guinée.
Si toutes ces sonorités m’ont guidé jusqu’à créer BabelEyes, c’est peut-être que dans le monde de l’art, existe un autre type de sémantique qui prend toute sa signification et sa valeur artistique quand on ne la comprend pas, quand elle nous dépasse. C’est ce qui nous arrive à tous lorsqu’on voyage dans un pays étranger dont on ne parle pas la langue. On cherche alors à s’entendre autrement et à ressentir l’environnement avec tous nos autres sens. Cette grammaire parallèle a pour moi tout à voir avec la sémantique musicale.

Que l’on laisse s’éteindre les langues, ces inventions humaines incomparables, ces bouts d’histoires de l’humanité, me désole. Notre monde perd à vue d’oeil ses couleurs, ses odeurs, sa faune, sa flore, ses sons, ses musiques, ses découvertes, ses secrets…

Si j’arrive par le biais de BabelEyes à passer des messages subliminaux au public et que ma démarche concourt à freiner ce «progrès», j’estimerais avoir fait ma part.”
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Kadosch interviewé par Rozenn Milin (Professionnelle de l’audiovisuel et fondatrice du programme Sorosoro pour la sauvegarde des langues en danger)

D’où viennent les “ Langues vierges ” de BabelEyes ?
Ce sont des langues chantées, chaque syllabe a un lien direct avec la note qu’elle doit exprimer.
Tout comme les langues à tons, ce sont des langues tonales qui ont la particularité d’être chromatiques.
Elles sont aussi rythmiques tout comme le langage tambouriné du Banda Linda.
Elles obéissent à une grammaire implacable : La Musique

Consistent-elles uniquement à inventer de nouvelles sonorités ?
Non, cela va bien au-delà. Est-il encore possible d’inventer quelque chose aujourd’hui ? J’ai plutôt cherché à créer des ponts entre des domaines qui ne se rejoignent pas facilement, en espérant y trouver des sonorités qui parleront et pourront communiquer du sens et sensibiliser aux langues en voie de disparition ceux qui les écoutent.

ou ont-elles en fait une origine dans des langues menacées ? Mais alors lesquelles ?
Oui pour certaines:
• Les langues Bantoues du groupe ethno linguistique Khoïsan dont les langues à clics du désert du Kalahari
• Le langage tambouriné du Banda Linda dialogue avec sa «version contemporaine” : le MSN (les clics de la souris et les touches de l’ordinateur jouent les percussions)
• Les langues sifflées de l’île de Gomera aux Canaries et le tepehua de la Sierra Madre Oriental au Mexique
• Les langues de l’Arctique. Le syllabaire Inuktitut est mis à contribution et ses syllabes glissent sur ces langues en danger : “Land Inuit, Caribou Eskimos, Iglulik Eskimos, Netsilik Eskimos”

Qualna Iglulik, Caribou è qualna Inuït, qualna anga qualna Netsilik,
dalnô iktuut aluunike, qualna qualna qualnanaé

Qualna qualna qualnanaé est une berceuse Inuit. Dans cette musique certains mots apparaissent pour mieux disparaître : “Ganik” est un des nombreux noms que les Inuits donnent à la glace pour désigner leur degré de résistance, et “Titanic” suivi d’un trémolo de cordes représentent les langues qui s’engloutissent dans la partie immergée de l’iceberg
Non pour d’autres qui ont déjà disparu: le Linéaire B et le Sumérien
ou qui sont utilisées dans un contexte de diglossie: le Latin et le Sanskrit